T - TISSAGE & TAPIS

 


Depuis toujours le tissage de la laine a été au coeur des activités économiques de l'île. Dès le 14ème siècle les tissus de Djerba étaient destinés en grande partie à l'exportation. Au 16ème siècle étaient apportées du continent de grosses quantités de laine et plus tard au 18ème et 19ème les djerbiens allaient s'approvisionner eux mêmes à Kairouan. De nombreux ateliers étaient concentrés près de Houmt Souk, centre de ravitaillement en matière première. En 1873 on comptabilisait quelques 428 ateliers dans l'île et 2534 tisserands. En 1946 on comptait 24 000 fileuses presque la totalité des femmes qui habitaient Djerba. Dans ces mêmes années 2000 tisserands sont recensés et les quelques 700 à 800 maîtres tisserands disposent de 2 à 7 métiers à tisser.

Les ateliers qu'ils soit disséminés dans la campagne ou en ville se repèrent de loin, d'abord par l'aspect triangulaire de leur fronton, un logo architectural en quelque sorte, soutenu par des contreforts chargés d'évacuer la pluie loin des murs porteurs. L'intérieur, relativement vaste, sous des plafonds voûtés, autorise la disposition de deux rangées de métiers. L'orientation sud-est de l'entrée laisse passer un éclairage constant et le fait que l'atelier soit en dessous du niveau du sol extérieur permet une fraîcheur idéale pour travailler la laine. 

Le tissage est un métier d'homme mais toute la famille participe et la main d'oeuvre pour préparer la laine est essentiellement féminine. Qu'elle soit de mouton, de chèvre ou de chameau, la laine a besoin d'être lavée et rien de mieux que de le faire directement dans l'eau de mer puis pour la débarrasser de toutes ses impuretés elle est mise à baigner dans un lait de plâtre enfin il faut la blanchir à l'aide de fumées de soufre. Le travail se poursuit à la maison où filles et femmes vont démêler la laine avec un peigne grossier en bois d'olivier et dents de fer, c'est le cardage. De longues manipulations difficiles et éreintantes. Puis les mèches sont étirées, enroulées sur un un fuseau de chaîne et un fuseau de trame jusqu'à obtenir un beau fil mis en pelotes. Le travail des femmes est terminé.

Place à celui des hommes, la laine peut partir pour l'atelier voisin où les tisserands et leurs apprentis sont prêts à dévider la laine et à l'embobiner puis c'est l'assemblage des fils sur le métier -l'ourdissage- et le tissage proprement dit. Du beau travail où tout le corps est sollicité pour appuyer sur les pédales, faire passer adroitement les navettes, pousser le battant en avant à chaque passage de trame ...

Alors que tisse-t-on à Djerba aujourd'hui ? c'est d'abord les couvertures, la traditionnelle farachia djerbienne, une couverture ornée de motifs géométriques, puis ce sont les vêtements, le burnous, la kachabia, les foutas, les parures de mariées, les étoles. A côté des fils de laine, fils de coton et fils de soie sont aussi largement utilisés, jusqu'aux fils d'or. 

Mais ce qui attire l'oeil ce sont les tapis. Même si leur production a baissé ces dernières années avec la désertion des touristes, ils se pavanent et s'exposent le long des murs des échoppes et leurs couleurs vives sont un appel à entrer dans les boutiques où l'on s'évertuera à vous dérouler bon nombre de tapis en sirotant un thé.  

Les kilim et les mergoum ont la vedette. Leurs différences vient de la façon dont ils sont tissés et de leurs dimensions. Ce sont des tapis à poil ras, héritiers de la culture berbère, leurs motifs géométriques à base de triangles et de losanges rappellent les bijoux, poteries et tatouages. Si leur utilisation au départ était utilitaire, tapis de tente, litière des dromadaires, ils sont aujourd'hui devenus objets de décoration. 

Les tapis noués sont plutôt des tapis berbères à haute laine souvent sur fond blanc ou beige avec des motifs marrons ou noirs plutôt discrets. 

Quel avenir pour cet artisanat ? Les tisserands évoquent le manque de main d'oeuvre, jeunes et femmes délaissent ces métiers mal payés et difficiles qui usent le corps. Le pays a longtemps marginalisé cet artisanat, mais un renouveau s'amorce, une envie de ne pas perdre ce patrimoine si riche. Alors des jeunes s'en emparent et avec toute l'énergie créatrice tentent avec succès de revisiter et de réinventer cet artisanat.

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