E - EPICIER



 En France il est une expression que connaissent bien les citadins. Lorsque tout est fermé, il n'y a plus qu'une alternative : aller faire ses courses  chez "l'Arabe du coin", toujours ouvert et à la boutique bien achalandée. Même si aujourd'hui les supérettes des grandes enseignes envahissent les centres villes et font concurrence aux petits épiciers. 

Eh bien cet Arabe du coin est très souvent un Djerbien ! donc un berbère comme ses autres congénères épiciers les mozabites d'Algérie ou les chleuhs du Maroc. A Tunis ne dit-on pas qu'on va chez le djerbi lorsqu'on va chez l'épicier ? Le djerbien étant travailleur et commerçant dans l'âme, il s'est ainsi exporté partout dans le monde.

Cette spécialisation professionnelle est profondément enracinée dans la culture des différentes communautés de l'île qu'elles soient hébraïques, malékites ou ibadites, toutes ont veillé à inclure cette donnée à côté de l'enseignement religieux et l'adage djerbien "Apprends [autant de métiers] quand bien même tu n'en a pas besoin" a permis un essor économique global et à l'individu de se sentir utile à sa communauté. Il existait ainsi un partenariat économique entre le détenteur de capital d'un côté et la personne chargée d'exécuter le travail de l'autre, et ce dans le but d'optimiser et de rentabiliser le commerce.

Sur l'échelle sociale, dans les temps anciens, on comptait quatre catégories dans ce type de métier : le djerbi commençait comme apprenti, puis associé avant de devenir locataire puis propriétaire. Le gérant de l'épicerie recevait la moitié des bénéfices nets, l'autre moitié revenant au détenteur du fonds. Ces quota pouvaient bien évidemment varier et favorisaient le fait qu'un gérant devienne à son tour propriétaire et emploie une personne de sa famille. La vie en société était réglementée, faite de travail et de frugalité, l'oisiveté était proscrite et devait  s'accompagner d'une vie pieuse. 

Et c'est ainsi qu'en 1835 un missionnaire allemand du nom de Eiffeld écrivait "A peine entré en contact avec les Djerbiens, on ne peut qu'admirer une conduite hautement affable, à laquelle s'ajoutent des manières courtoises et délicates... Et face aux Chrétiens, ils n'éprouvent ni ressentiment ni dédain... Les Djerbiens sont à mon sens dotés d'habileté et de bienséance..."

Ce qu'il m'est impossible de démentir aujourd'hui, les épiciers sont toujours pour la plupart affables et courtois.

Et un grand merci à Foued Raïs dont l'ouvrage "Si Djerba m'était contée..." est une mine de renseignements. 

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