M - MENINX
On croit tout connaître de Djerba mais son histoire est si longue et riche qu'elle réserve tout le temps des surprises. Connue dès les âges les plus anciens pour être l'île des hauts fonds, puis l'île des Lotophages d'Homère, elle devient l'Insula Meninx pour les auteurs anciens grecs et romains.
On peut penser que Meninx fut d'abord très tôt, au 10ème siècle avant notre ère, un comptoir phénicien. Cinq siècles plus tard, les Carthaginois excellents navigateurs et commerçants, vont perpétuer ce lieu et ces échanges et faire de Meninx un espace commercial incontournable de la Méditerranée. Durant des siècles Meninx, ville punique, donnera son nom à l'île entière avant que les romains ne l'appelle Girba au 3ème siècle.
C'est donc près d'El Kantara, sur la route côtière, que le Parc Archéologique et Touristique de Meninx vous attend. Il est ouvert depuis 2019. C'est le site antique le plus important à Djerba, celui d'une ville portuaire punique puis romaine.
Le site couvre en fait un territoire immense, mais seule une partie restreinte a fait l'objet de fouilles par les archéologues sans compter qu'une grande partie est certainement immergée. Il semblerait qu'une nouvelle campagne de fouilles tuniso-allemande soit en préparation. Les vestiges découverts sont tous romains, ils ont été déposés et conservés au Borj el Kebir. Mais le site n'ayant jamais été préservé, il a dû faire l'objet de pillages.
Dans ce lieu aujourd'hui déserté difficile d'imaginer la vie d'une cité florissante puisqu'il ne reste quasiment rien. Enfoncés dans le sable émergent des piliers cassés, des marbres colorés usés par l'érosion, et même une enfilade de soubassements de colonnes. Là quelques amoncellements de pierres. Ces quelques vestiges ont permis de retrouver et de déterminer la place d'un forum, d'un port, de quartiers résidentiels, d'aménagements hydrauliques tels que des citernes pour récupérer les eaux de pluie, de bassins pour le traitement des murex, de cuves de salaison pour la fabrication du garum (une sauce à base de poissons fermentés et de sel). Meninx était donc une ville riche, en témoigne la diversité des marbres qui ornait ses constructions, tout comme les teintureries de pourpre (extrait du murex, coquillage en abondance dans l'île) qui faisaient sa réputation.
Alors imaginons. La ville portuaire s'étale à fleur d'eau, la mer s'ouvre devant elle, relativement calme puisque nous sommes sur les hauts fonds, protégée des vents par la presqu'île de Bine el Oudiane toute proche. Les habitants de Meninx devinent au loin dans la brume Gergis, l'antique Zarzis et Zitha tout à côté. Le commerce avec ces villes est facilité par la chaussée de pierres découverte à marée basse et qui deviendra la Chaussée romaine. Les embarcations à faible tirant d'eau sont nombreuses devant la ville, quant aux bateaux plus lourds, ils mouillent au loin et les phéniciens, remarquables navigateurs, connaissent le tracé des oueds sous-marins et peut être naviguent ils plus à l'ouest par le Golfe de Boughrara.
Un dernier coup d'oeil avant de quitter le site. Sur la droite, la chaussée romaine s'élance vers le continent. Comme autrefois les barques des pêcheurs attendent le moment propice pour partir en mer. Au loin la zone touristique de Zarzis fait une tache blanche et de l'autre côté on aperçoit, au dessus des eaux, la masse tremblotante de Borj el Kastil. Et puis tout près sur la côte la vue de la décharge chargée de l'enrubannage des déchets nous ramène à la réalité d'aujourd'hui.
Meninx n'est pas le seul site punique de Djerba il faut citer aussi Souk el Kebli (vers Aghir) et son cimetière punique, quelques tombes près de Ghizen et Haribus l'actuelle Guellala déjà célèbre pour ses poteries. L'époque romaine, quant à elle, a également abrité d'autres centres urbains tels que Tipasa (Ajim) dont il ne reste rien, Haribus déjà cité, Lella Hadria un ancien port sans compter dans le sud de l'île entre Meninx et Sedouikech de nombreuses ruines et tombes.