I - IBADISME
Alors qu'aujourd'hui cette notion religieuse n'est qu'à peine revendiquée, l'ibadisme a pendant longtemps réglé la vie des djerbiens et reste malgré tout à la base de leur identité avec la culture berbère.
Depuis quelques années un nouveau regard est porté sur ce que d'aucuns appellent la troisième voie de l'islam. Ni sunnites, ni chiites, ces "démocrates de l'islam", bref ces musulmans pas comme les autres qui sont ils ? On les retrouve à Djerba bien sûr mais aussi dans le Mzab algérien, à Oman et à Zanzibar ....
Le bel article mentionné ici Djerba l'ibadite et la vidéo qui l'accompagne en explique l'histoire fort simplement et donne les clés pour mieux comprendre Djerba.
Il faut croire qu'ils ne sont plus qu'une dizaine de milliers ici surtout dans l'ouest de l'île, loin de la zone touristique, à se proclamer encore ibadites.
Il faut remonter les siècles. L'Islam s'enracine dans l'île au milieu du 7ème siècle. Bien vite différents courants vont voir le jour et s'affronter mais ce sont les ibadites qui vont rapidement prédominer vraisemblablement parce que leur doctrine coïncidait avec l'esprit autonomiste des insulaires dont beaucoup de berbères qui refusaient le pouvoir central. Ils créent un pouvoir fort par le biais d'une institution, le Collège Azzaba, qui s'appuie sur les nombreuses mosquées disséminées sur l'île. Ils préconisent un calife désigné uniquement pour ses compétences et son intégrité, ils prônent la solidarité en collectant la zakat pour la redistribuer aux nécessiteux. Ce système bien relayé par les nombreuses mosquées au plus près de la population sera déterminant pour modeler Djerba, l'organisation de l'espace et son architecture, l'organisation du savoir et la scolarisation, l'organisation de la défense du territoire sans compter bien sûr la puissance de la spiritualité.
Si l'ibadisme est une religion, le prosélytisme en est absent et la tolérance le facteur premier. Si l'ibadisme est une philosophie de vie, le rigorisme est une valeur essentielle qui s'allie aussi avec la solidarité. Les ibadites ont construit une société égalitaire et ils ne supportent ni l'injustice ni l'autoritarisme. C'est aussi pourquoi ces ibadites tunisiens n'ont jamais été reconnu officiellement par les autorités. Djerba est à leur image : des mosquées sobres, austères à l'échelle humaine, des mosquées qui sont aussi des lieux d'apprentissage, des refuges. Un habitat traditionnel modeste mais fonctionnel, des règles de vie qui prônent une économie de l'autosuffisance. Les vêtements sont sobres, adaptés au climat et aux activités, la façon de se nourrir est saine et équilibrée entre céréales, légumes, fruits, huile d'olive et poissons qui se retrouvent encore aujourd'hui sur les tables djerbiennes. Le djerbien est honnête, travailleur, droit c'est un homme de confiance. Bref les djerbiens ont inventé et pratiqué bien avant l'heure une société de développement durable.
Au cours des siècles, l'ibadisme s'est fondu dans la pratique majoritaire de l'islam, il n'en a pas moins gardé cette très forte cohésion communautaire que l'on ressent encore aujourd'hui dans l'île. Indépendance, austérité, discrétion, tolérance.
Menacées au début de la révolution par les salafistes qui ont tout simplement défiguré les lieux de culte, de nombreuses mosquées ibadites abandonnées ont peu à peu été "reconquises" par les habitants avec le concours de l'ASSIDJE, l'Association pour la Sauvegarde de l'Ile de Djerba. Aujourd'hui, la société civile veille et de nombreuses associations oeuvrent pour faire connaître et apprécier ce patrimoine auquel la jeunesse de l'île prête de plus en plus attention.
