G - GUELLALA
Guellala : ici tout le monde vous dira que c'est le village des potiers.
Petit village berbère où l'on parle encore le jerbi, l'activité de poterie semble remonter aux temps les plus anciens. Il semblerait que le travail de l'argile existait il y a quatre ou cinq mille ans ! Les berbères avaient donné le nom de Ikellelen -potiers- au village puis sous la domination romaine ce fut Haribus ce qui signifie "fabriquant de jarre" et in fine le terme Guellala vient de l'arabe kallal qui veut aussi dire potiers.
Aujourd'hui Guellala est un grand village, on estime sa population à 6 600 habitants (statistiques de 2014).
Dans ce village de potiers, les historiens ont noté que les procédés de fabrication sont restés pendant très longtemps les mêmes depuis la préhistoire. Il s'agissait de "poteries rustiques d'usage utilitaire : grandes jarres non vernissées dépassant parfois un mètre de hauteur et servant à conserver l'orge, le blé, jarres plus petites pour l'huile, gargoulettes pour l'eau, bols, plats, marmites ... le tour rustique actionné au pied, un morceau de roseau de quelques centimètres pour arrondir le galbe des cruches et amphores, une ficelle pour séparer l'objet fini de la matière..."
Ces outils de travail sont encore utilisés aujourd'hui. Les anciennes jarres de gros calibre jusqu'à 300 litres servant jadis au transport des céréales, de l'eau mais aussi de l'huile d'olive pour l'exportation peuplent le musée du Patrimoine à Houmt Souk tout comme les plats et poteries vernissées vertes et jaunes caractéristiques de Guellala, le vernis vert s'obtenant par adjonction de cuivre et le jaune par l'addition d'antimoine alors que le manganèse donne des coloris brun foncé. Il est loin le temps où plus de 400 potiers faisaient vivre le village de père en fils.
C'est l'écrivain Georges Duhamel qui parle avec émotion de cet âge d'or, de cette époque révolue. "J'ai cherché des poètes. J'ai trouvé des potiers. Nul métier ne fait mieux penser à Dieu, à Dieu qui forma l'homme du limon de la terre... Sur tous les chemins de Djerba, entre les remblais sablonneux, crêtés de petits agaves pourpres, circulent des chameaux, portant un faix énorme et vain : la grosse grappe de jarres sonores. Que s'élève la brise favorable et vous verrez cingler vers les ports du continent plus de vingt balancelles, chargées jusque sous la voilure : c'est la vendange de Guellala qui voyage au péril des eaux, les beaux fruits d'argile, les poteries non vernissées..."
Les temps ont changé et les potiers se sont adaptés. Ils sont habilement passés d'une activité artisanale où ils fabriquaient des objets utilitaires à une activité économique liée au tourisme. Les ateliers ont quitté le centre ville pour s'égrener sur les collines le long de la route. Les propositions de poteries colorées, d'objets de décoration, les chameaux magiques côtoient désormais les jarres. Mais avec la baisse du tourisme ces dernières années de nombreuses boutiques et ateliers ont fermé leurs portes et les rares artisans qui subsistent encore se font un plaisir et un devoir de transmettre leur art au visiteur d'où qu'il vienne. L'occasion de jeter un coup d'oeil au blog de Fathi pour tout savoir sur cet art.
En attendant un hypothétique retour d'un artisanat à la mesure de ces virtuoses de l'argile, les potiers de Guellala ont dû se reconvertir, certains ont émigré, et pour survivre d'autres ont naturellement plusieurs cordes à leur arc, ils sont aussi cultivateurs, possèdent quelques oliviers et pratiquent la pêche que ce soit en en barque dans le golfe de Boughrara ou qu'il s'agisse de la pêche à pied.
Le patrimoine de Guellala outre les potiers ce sont aussi d'anciennes mosquées de rite ibadite. Notamment celles situées sur la côte comme Jamaa Tamezguida et surtout Sidi Yati construite au début du 10ème siècle et qui offre un site fabuleux.
Guellala c'est aussi un Musée du Patrimoine ouvert en 2001 à l'initiative d'un promoteur privé. Sur plus de 4000 mètres carrés d'exposition il a reconstitué, entre autres, des scènes de la vie traditionnelle. L'un des avantages du site est sa situation remarquable sur la colline, le point culminant de l'île, quelques 52 mètres d'altitude ! Et il est de tradition d'aller au café attenant en fin de journée savourer un thé en admirant le coucher de soleil et le paysage qui se déroule jusqu'à la mer.
Histoire aussi d'oublier que les habitants de Guellala se sont révoltés à plusieurs reprises ces dernières années devant le laisser aller et l'absence de propositions des autorités concernant la décharge à ciel ouvert et la gestion des déchets attisant les problèmes de pollution et de santé publique. L'environnement de ce site, un peu éloigné de la zone touristique, est hélas très dégradé alors que le paysage avec ses collines, ses oliviers, ses palmiers et la zone lagunaire pourrait être un vrai plaisir pour les yeux.