G - GOUGOU



N'importe quel touriste qui passe une semaine à Djerba assistera à un spectacle des "gougou" qui font partie du folklore djerbien. Ce sont des chants et danses de la communauté noire de l'île.

Les noirs de Djerba sont surtout installés dans le nord est de l'île, dans le secteur de Midoun et seraient des descendants d'esclaves venus du Soudan ou du Niger, la Tunisie et Djerba étant sur la route des grands axes caravaniers dont le grand marché de Houmt Souk a certainement été une plaque tournante. Mais j'ai pu lire aussi que toute la population noire n'était pas forcément descendante de ces esclaves qui étaient emmenés jusqu'au Caire. 

La Tunisie a été le premier état du monde arabe et musulman à abolir l'esclavage en janvier 1846 bien avant la France et sous le règne d'Ahmed Bey dont la mère fut une esclave. Si le  racisme n'est en général guère abordé dans la société, il existe réellement et ces dernières années la presse s'est fait l'écho de violences sur des personnes du fait de leur couleur de peau ainsi que sur des faits avérés de ségrégation. Ainsi il convient de saluer cette année la date du 9 octobre 2018 où l'Assemblée vient d'adopter un projet de loi contre le racisme et les discriminations raciales.

A Djerba le racisme ne se voit pas même si la société en reste fortement imprégnée. Autrefois  l'esclavage était essentiellement de type domestique ou agricole.  Aujourd'hui djerbiens blancs et noirs se fréquentent, cohabitent et vivent en bonne entente. Il arrive que les noirs soient encore appelés dans le langage courant "abid" esclave ou "atig" affranchi, voire "oussif" valet. Les mariages mixtes sont mal perçus, et dans la société les noirs ont été maintenus dans les couches de population les plus défavorisées, leur statut social les cantonnent à certaines tâches dures et ingrates. On les retrouve ainsi masseurs dans les hammams, travaillant la terre comme jardiniers, ce sont aussi les femmes noires qui accompagnent et préparent la mariée, et puis il y a les musiciens,  ceux qui réveillent la population par des bruits de tambour pour le dernier repas avant le jeûne du ramadan et enfin il y a les gougous. 

Les "gougous" sont vêtus de blanc, chemise blanche avec un gilet rouge, grande jupe blanche ou bleu pâle, retenue par une large ceinture rouge, chaussures blanches. Sur la tête ils portent une chéchia rouge maintenue par une sorte de ceinture torsadée jaune. On les reconnaît de loin car ils frappent de grands coups sur leur "t'bal" tambours afin d'attirer l'attention avant que le spectacle ne commence. Leurs danses comportent plusieurs figures dont des simulacres de combats et de batailles. Au départ le rythme est lent et les gougous progressent à larges enjambées, puis le mouvement s'accélère progressivement, ils manient de lourds bâtons sur les sons lancinants de la "zokra", un genre de flûte. La tension monte, la rapidité aussi, les bâtons claquent à l'unisson, le calme revient et le cercle de départ se reforme. 

La musique n'est pas l'apanage des seuls hommes, il existe aussi un groupe de femmes noires renommées, les "chouchanet", elles animent fêtes et mariages du côté des femmes au son de la "darbouka" et des "chakchaka" des sortes de tambourins. Et il faut dire que leurs chansons d'amour sont souvent  très osées, voire crues. 

De père en fils, les gougous perpétuent la tradition de ces danses et de ces rythmes venus de loin dans le temps et l'espace, ils sont ainsi appelés dans le monde entier lors des festivals de musique folklorique. Ils maintiennent aussi les musiques et rituels de transe, les stambali,  l'équivalent des gnaouas marocains.  A Djerba j'ai encore le souvenir lors d'une fête d'un mystérieux danseur noir revêtu d'oripeaux et de peaux de bêtes et affublé d'un masque en fibres végétales ornés de coquillages et d'amulettes qui dansait au son rythmé des "qarqabous" castagnettes en fer. C'était le "boussaadia", personnage mythique qui faisaient peur aux enfants ! Et c'est avec joie que je l'ai retrouvé lors du Festival de Musique Djerba Ulysse de cet été.

Encore une chose, si vous demandez le gougou à Djerba, il y a de fortes chances pour que l'on vous conduise au café de Midoun du même nom. "Le Gougou" était un café très agréable en centre ville où l'on choisissait soit de se montrer soit de se cacher à l'intérieur voire même de surveiller la rue sans être vu du haut de ses terrasses ... 


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